La fin de 20 ans d'attente et d'un long voyage d'1,5 million de kilomètres dans l'espace interplanétaire ! Le plus grand télescope spatial de l'histoire de l'astronomie se mettra en orbite autour du point de Lagrange L2 ce soir à 21 h. Voici ce que cela signifie.
Imaginé dans les années 1990, le James Webb Space Telescope (JWST), le plus grand télescope spatial jamais conçu a traversé les décennies jusqu'à son lancement historique le 25 décembre dernier à bord d'une impressionnante Ariane 5 depuis Kourou, en Guyane. Impressionnante par sa taille, par la puissance du décollage que nous avons pu vivre en direct sur Futura, mais aussi par sa précision ! Ariane a éjecté le JWST en dehors de l'influence gravitationnelle terrestre avec si peu d'erreurs de trajectoire que le télescope a pu économiser du carburant et se doter du double de la durée de vie espérée par les scientifiques et ingénieurs !
Home, home on Lagrange! We successfully completed our burn to start #NASAWebb on its orbit of the 2nd Lagrange point (L2), about a million miles (1.5 million km) from Earth. It will orbit the Sun, in line with Earth, as it orbits L2. https://t.co/bsIU3vccAj#UnfoldTheUniversepic.twitter.com/WDhuANEP5h
— NASA Webb Telescope (@NASAWebb) January 24, 2022
En effet, une fois lancé, « Newton est aux commandes », comme disait Tom Hanks dans Apollo 13, plus besoin d'allumer les moteurs, la trajectoire est déterminée par la vitesse de l'engin. Comme une précision parfaite est impossible, les sondes interplanétaires comme le James-Webb sont équipées de leur propre moteur-fusée qu'elles n'allument que brièvement une à deux fois durant le trajet pour effectuer de légères corrections de trajectoire.
Un parking interplanétaire
La trajectoire interplanétaire du JWST est calculée pour le déposer au point de Lagrange L2, mais comme toute destination, si on a accéléré, il faut freiner ! Dans l'espace, cela se traduit par atteindre une altitude, et s'y maintenir pour ne pas repartir en arrière, ou au contraire dépasser sa destination. Ce soir, c'est à 1,5 million de kilomètres de la Terre que le James-Webb atteindra le tant attendu point L2 et allumera ses moteurs pour s'y placer en orbite et rejoindre ses nouveaux compagnons, les télescopes Gaïa et Spektr-RG déjà présents là-bas. L'évènement est retransmis (en anglais) par la Nasa sur Youtube.
L'évènement est à revoir sur YouTube. © Nasa, YouTube
Une fois parqué, le prochain objectif sera de terminer le refroidissement pour pouvoir effectuer dans quelques semaines les premiers tests des instruments, et enfin, prendre les premiers clichés du profond cosmos.
Une destination instable
Contrairement à d'autres télescopes comme Hubble, le JWST n'est pas en orbite terrestre, mais tourne autour du soleil, comme un astéroïde ou une planète. Plus précisément il a pour destination le point de Lagrange L2 de la Terre. Les points de Lagrange sont des zones de l'espace où se trouve un certain équilibre gravitationnel entre deux astres. Pour le JWST, il s'agit des points entre la Terre et le Soleil, mais ces zones d'équilibre se trouvent de la même manière entre la Lune et la Terre, ce qui sera d'ailleurs exploité par la future station spatiale lunaire Gateway.
Le saviez-vous ?
- Une sonde qui orbite autour d'un point de Lagrange n'orbite autour de rien ! L'orbite est causée par l'instabilité de l'équilibre des forces gravitationnelles, et ces trajectoires sont appelées des courbes de Lissajous.
- La première sonde à se placer sur le point L2 de Lagrange fut le télescope WMAP, dédié à l'observation du fond diffus cosmologique.
- Les propulseurs du JWST ont un carburant différent des fusées qui décollent du sol : de l'hydrazine, qui se conserve très bien dans un réservoir pendant une longue durée, contrairement à des ergols comme l'oxygène liquide refroidi à très basse température.
Lorsqu'un engin est placé sur un point de Lagrange de la Terre, il tourne autour du Soleil à la même vitesse que notre Planète, ce qui lui permet de garder une distance fixe tout au long de l'année, contrairement aux autres planètes par exemple, qui se rapprochent puis s'éloignent périodiquement, jusqu'à être diamétralement à l'opposé du Soleil par rapport à nous. Cela a un avantage pour les télécommunications et la transmission des lourdes données photographiques et spectrales que nous enverra le télescope. Le point L2 possède un avantage supplémentaire, c'est un point situé dans l'axe Terre-Soleil, et du côté éloigné du Soleil par rapport à la Terre. Comme il est parfaitement dans l'axe, la Terre éclipse notre étoile et permet de réduire grandement le rayonnement reçu par le bouclier thermique et les instruments d'observation, le télescope est ainsi plongé perpétuellement dans l'obscurité.
Cependant, il ne suffit pas de placer un engin dans cette zone pour valser en harmonie avec la Terre, car cela ne durera que temporairement. Les forces en jeu vont naturellement éloigner les objets du point de Lagrange L2 et rompre l'équilibre, comme une toupie qui ne tournerait plus. Si la zone de Lagrange s'apparente à une colline, le point de Lagrange en est son sommet : le télescope est rattaché au sommet par un élastique, mais celui-ci lâche au bout d'un moment, alors pour ne pas dévaler la pente, l'engin devra se maintenir proche du sommet en allumant régulièrement ses propulseurs, raison pour laquelle la durée de vie est déterminée par le carburant de la sonde. En réalité, une sonde au point de Lagrange L2 orbite autour de celui-ci, comme un satellite traditionnel tourne autour d'une planète, bien qu'ici il ne tourne autour de... rien.
Le télescope spatial Webb s'est bien inséré en orbite autour du point L2 hier : qu'est-ce que cela veut dire ? - Futura
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