Parfois, à force d'acharnement, les petits réussissent à faire plier les gros. Dans le remake moderne de David contre Goliath qui oppose depuis des années des coalitions de développeurs d'applications du monde entier à Apple, les petits poucets du web sont sur le point d'obtenir une victoire historique. Sous la menace de plusieurs procès aux Etats-Unis et en Europe, le géant de Cupertino a proposé de renoncer à la rente automatique qu'il s'octroyait sur les applications hébergées sur son App Store.
Concrètement, les applications pourront envoyer un courriel à leurs utilisateurs sur mobile, pour les informer qu'ils peuvent acheter un abonnement ou payer un achat via leur site web plutôt que directement dans l'App Store. Pour les consommateurs, cela ne change pas grand-chose : ils seront simplement informés qu'il existe une deuxième option de paiement pour leurs achats, en plus de la plateforme d'Apple. Mais pour les développeurs d'applications, c'est une petite révolution, car ils auraient alors enfin la possibilité de contourner la fameuse "taxe Apple" sur les achats "in-app", qui capte jusqu'à 30% de leurs revenus.
Acculé de toutes parts, Apple change de stratégie en proposant des concessions
Ce geste historique de la firme américaine n'est pas encore gravé dans le marbre, car il doit encore être approuvée par un tribunal californien, ce qui mettrait fin à une action en justice intentée en 2019 par une coalition de petits développeurs réunis en action collective. L'accord que propose Apple pour éviter les tribunaux prévoit aussi de donner plus de marge de manœuvre aux développeurs pour fixer les prix de leurs applis, de leurs abonnements et des achats qu'ils proposent "in-app". Apple entend enfin créer un fonds de 100 millions de dollars d'aide aux petits éditeurs américains, gagnant moins d'un million de dollars par an pour toutes leurs applis aux Etats-Unis.
Ces concessions révèlent un rapport de force qui ne penche plus en faveur d'Apple, et un Tim Cook forcé de changer de stratégie. Jusqu'à présent, la multinationale maintenait une pression ferme sur les éditeurs d'applications, mais elle semble désormais vouloir apaiser les tensions pour éviter les tribunaux et surtout, donner un signal de coopération aux politiques.
Car les géants du Net ne sont plus en odeur de sainteté et Apple est acculé de toutes parts. En plus de cette action collective, ses pratiques commerciales sur l'App Store sont aussi dans le viseur de la Commission européenne et des régulateurs américains, qui ont chacun ouvert des enquêtes qui pourraient déboucher sur des amendes massives.
Surtout, Apple craint les nouvelles régulations, notamment le Digital Markets Act en préparation en Europe, et de nouvelles lois anti-concurrentielles aux Etats-Unis, qui prévoient, entre autres, de s'attaquer au duopole Apple-Google dans l'économie des applications. La marque à la pomme croquée est également attaquée en justice en Europe par le numéro un mondial du streaming musical, Spotify, et attend également, dans les prochains jours, le verdict d'un procès crucial qui l'oppose à Epic Games, l'éditeur du jeu Fortnite. Toujours pour la même raison : ses pratiques estimées abusives et anti-concurrentielles sur son magasin d'application.
La toute-puissance d'Apple sur l'économie des applications remise en cause
La situation imposée depuis des années par Apple est la suivante : les éditeurs d'applications qui veulent accéder aux utilisateurs d'iPhones - qui pèse 20% du marché mondial des smartphones - sont obligés d'utiliser uniquement le système de paiement de l'App Store pour chaque achat réalisé dans leur application mobile. Au passage, la firme de Tim Cook s'octroie au titre des frais de service et de son rôle d'intermédiation une commission non-négligeable de 30% sur chaque transaction, réduite à 15% dans certains cas spécifiques comme la première année de vie d'une application si son chiffre d'affaires n'atteint pas le million de dollars.
Les éditeurs sont ainsi confrontés à un dilemme : soit ils acceptent les conditions tarifaires fixées par Apple, soit ils sont exclus de l'App Store. Sauf que cette plateforme est le seul magasin d'applications autorisé sur ses smartphones : autrement dit, refuser de donner 30% de ses revenus sur iPhone à Apple revient à ne plus avoir de revenus du tout puisqu'il est impossible de télécharger l'application ailleurs que sur l'App Store. De son côté, le géant de la "Big tech" justifie ses pratiques car il s'estime le meilleur allié des développeurs. En 2020, les applications hébergées sur son espace ont généré 634 milliards de dollars de dépenses d'après l'entreprise. Mais cette ligne de défense devient de plus en plus difficile à tenir alors que l'Union européenne et les Etats-Unis veulent encadrer les activités des plateformes dites "structurantes", c'est-à-dire qui sont incontournables pour leur écosystème dont elles sont à la fois juges et partie.
App Store : acculé, Apple change de stratégie et fait des concessions historiques aux développeurs - La Tribune
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