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Thursday, June 24, 2021

Avatar, Frontiers of Pandora (Ubisoft) : un tournant majeur pour Massive et son moteur Snowdrop - Les Numériques

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Jeu événement de la présentation Ubisoft à l'E3 2021, Avatar: Frontiers of Pandora entend faire étalage sur PS5 et Xbox Series X/S de tout le savoir-faire du studio Massive Entertainment. Entretien avec Nikolay Stefanov, son directeur technique.

C'était le clou du spectacle, le one more thing de la présentation en ligne d'Ubisoft tenue dans le cadre de l'E3 2021. Le temps d'une bande-annonce de 2 min 45 s, le studio suédois Massive Entertainment, filiale de l'éditeur français, montrait les premières images d'Avatar: Frontiers of Pandora, son jeu basé sur le célèbre univers créé par James Cameron en 2009 — et dont le second épisode cinématographique, après d'innombrables retards, est attendu dans les salles obscures fin 2022.

2022, c'est aussi par un hasard évidemment pas tout à fait hasardeux l'année de sortie visée pour Frontiers of Pandora. Sauf surprise, le titre sera alors la toute première grosse production Ubisoft publiée exclusivement sur matériel de nouvelle génération, c'est-à-dire les PlayStation 5 et Xbox Series X/S, en plus des PC et des services de cloud gaming comme Stadia et Luna. Ce statut n'a rien d'anodin, en particulier en cette étrange période actuelle où l'ensemble des acteurs du marché du jeu vidéo semble fermement décidé à ne surtout pas précipiter l'abandon des consoles de génération précédente. En particulier, il s'agit d'un tournant majeur pour le studio Massive et son moteur de développement “maison” Snowdrop, qui profite de l'occasion pour se montrer dans une toute nouvelle version.

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Aujourd'hui déjà, Snowdrop s'est révélé être capable de montrer de très belles aptitudes techniques, que ce soit avec les deux volets du jeu de tir multijoueur en monde ouvert The Division (eux aussi développés par Massive), ou encore avec… les deux itérations de Mario + The Lapin Crétins, aux ambitions visuelles nettement plus sages, mais exploitant très adroitement les ressources limitées de la Nintendo Switch. Avatar: Frontiers of Pandora entend toutefois pousser le moteur vers de tout nouveaux sommets, en témoigne le spectaculaire objectif de qualité graphique que le studio s'est fixé, illustré par cette première bande-annonce. Nous avons pu nous entretenir à ce sujet avec Nikolay Stefanov, directeur technique du jeu.

Collaboration étroite avec la production des films

Frontiers of Pandora est évidemment le fruit d'un travail entamé de très longue date à l'heure où nous écrivons ces lignes. Annoncé (sans image) début 2017 sous le nom hautement générique d'Avatar Project, le titre avait alors déjà démarré en coulisses les premières étapes de sa production. Celle-ci démarrait toutefois d'emblée dans des conditions inhabituelles : Massive a en effet pu collaborer très étroitement avec Lightstorm Entertainment, le studio de production cinéma de James Cameron, qui a fourni aux développeurs du jeu une très large quantité d'assets (modèles 3D, textures…) créés pour le film de 2009. Ces derniers ont ainsi pu servir de référence pour recréer le plus fidèlement possible l'esthétique de Pandora, l'astre fictif servant de décor à l'univers d'Avatar.

C'était pour nous une magnifique opportunité de voir en détail comment tous les éléments du film étaient modélisés et de s'en inspirer au début du développement

Nikolay Stefanov
© Ubisoft


© Ubisoft


“Il ne nous est pas possible de réutiliser ces assets tels quels et de les importer directement dans notre jeu, précise Nikolay Stefanov. Mais c'était pour nous une magnifique opportunité de voir en détail comment tous les éléments du film étaient modélisés et de s'en inspirer au début du développement. Nous avons pu aussi nous appuyer sur des informations partagées publiquement par l'équipe de Weta Digital (le principal studio d'effets spéciaux travaillant sur la franchise Avatar, NDLR) à propos des systèmes d'éclairage utilisés pour le film. Cela nous a permis de rapidement évaluer le niveau de détail que nous allions devoir viser et d'identifier les principaux défis auxquels nous allions devoir faire face pendant le développement de notre jeu.”

Réinventer la chaîne de rendu 3D

La réponse à ces défis, ce furent donc plusieurs solutions technologiques dernier cri intégrées au moteur Snowdrop, spécialement conçues pour exploiter au mieux le potentiel du matériel de nouvelle génération. “Les consoles et cartes graphiques de cette génération nous permettent de créer un jeu beaucoup plus immersif que tout ce que nous aurions pu faire précédemment”, nous assure sans surprise Stefanov. Cela passe en premier lieu par quelques évidences, telles qu'un nouveau système d'éclairage faisant un large usage du raytracing. Il se trouve certes doublé d'une solution de repli plus traditionnelle, s'appuyant uniquement sur la rasterisation, pour les plateformes n'autorisant pas l'accélération matérielle du raytracing — on suppose qu'il faut comprendre par là les cartes graphiques PC de générations précédentes, et sans doute des services de cloud gaming. “Quoi qu'il en soit, le jeu utilise exclusivement des systèmes d'éclairage dynamique, clame le directeur technique. Nous n'utilisons plus du tout d'éclairages précalculés.”

© Ubisoft


© Ubisoft


Mais tout ne se résume pas à la simple puissance de calcul brute du matériel. “Par rapport aux générations précédentes, les GPU de nouvelle génération sont très hautement programmables et nous permettent donc de faire gérer notre rendu 3D avec beaucoup de liberté”, explique Stefanov. La mise en pratique la plus significative de cette liberté dans la nouvelle version de Snowdrop a été baptisée Micro-Detail System. “Notre Micro-Detail System nous permet de traiter un large nombre d'objets directement sur le GPU. Dans une chaîne de rendu 3D traditionnelle, c'est le CPU qui se charge de traiter les objets et la géométrie présents dans la scène. Il détermine quels objets sont visibles à l'écran, puis envoie au GPU les ordres de dessiner les triangles correspondants. Mais aujourd'hui, les GPU sont devenus tellement puissants qu'ils peuvent faire ces calculs beaucoup plus rapidement que le CPU. Ce que l'on peut faire en conséquence, c'est répartir les objets présents dans une scène en quelques très larges groupes, contenant chacun plusieurs milliers d'objets. On envoie ces milliers d'objets d'un seul bloc au GPU, et on lui dit : ‘Vas-y, détermine quels objets sont présents dans le champ de vision, puis dessine-les’. En utilisant des informations en provenance des images précédentes et en faisant plusieurs passes sur le sol ou sur les objets qui dissimulent une large partie de la scène, il peut déterminer très efficacement quels éléments sont pleinement ou partiellement visibles. Tout cela s'exécute très rapidement, en moins d'une milliseconde par image.”

Notre jeu se déroule dans une jungle pleine de végétation, qui n'est évidemment pas statique. Les plantes doivent réagir au joueur, se plier lorsqu'on marche sur elles

Nikolay Stefanov

Conceptuellement, le système est en quelque sorte une variation sur le principe du primitive shading, ou mesh shading — très grossièrement, des techniques permettant aux unités de calcul du processeur graphique de construire elles-mêmes les ensembles de polygones devant être placés dans la scène 3D, avec pour avantage une gestion extrêmement efficace des niveaux de détail et une parfaite optimisation du nombre de polygones à dessiner. C'est aussi le concept fondateur de la fameuse technologie Nanite, une des fonctionnalités majeures de l'Unreal Engine 5, à propos de laquelle Epic Games ne tarit pas d'éloges, jusqu'à promettre qu'elle permettrait aux développeurs de jeux de travailler avec des modèles 3D de “qualité cinéma”, sans avoir à se soucier de leur optimisation. Sans nier la similarité entre les deux technologies, et tout en soulignant le caractère “très impressionnant” de Nanite, Nikolay Stefanov note que le Micro-Detail System résulte d'une approche très différente. “Notre système vise à résoudre des problèmes très spécifiques à notre jeu. Un d'entre eux est la gestion de la transparence, dont Nanite n'est pas capable pour le moment. Un autre est le fait que notre jeu se déroule dans une jungle pleine de végétation, qui n'est évidemment pas statique. Les plantes doivent réagir au joueur, se plier lorsqu'on marche sur elles. Nous avons aussi un système de destruction qu'on peut voir à l'œuvre dans la bande-annonce, lorsque de grands animaux courent à travers une forêt de bambous et cassent tout sur leur passage. Nous avons consacré beaucoup d'efforts à cela, à nous assurer que les environnements soient les plus dynamiques possibles.”

© Ubisoft


© Ubisoft


Comme un poisson dans l'eau

Il en va de même du rendu de l'eau, lui aussi capital dans un monde comme celui d'Avatar. “Nous avons développé un tout nouveau système basé sur le rendu de vagues à haute résolution. Le comportement de ces vagues est simulé de façon physique directement sur le GPU. Elles interagissent avec les animaux, le vent, dépendent aussi de la vitesse d'écoulement de l'eau, de la largeur de la rivière… Avec tous ces paramètres, on calcule aussi la quantité de mousse et le nombre de particules à utiliser pour son rendu. D'ailleurs, l'une de mes petites déceptions personnelles par rapport au trailer est qu'on n'y montre pas notre système de météo dynamique et l'influence qu'il a sur les vagues dans l'eau. Mais là encore, nous avons développé un système très réactif à l'environnement, à ce qu'il se passe dans le monde du jeu.” Qui plus est, le fait que ces calculs soient une nouvelle fois réalisés directement sur le GPU libère du temps CPU pouvant être consacré à d'autres éléments, comme le gameplay ou l'intelligence artificielle des personnages non-jouables.

Le joueur peut s'approcher de très près de certains objets, mais il peut aussi monter sur son Ikran, s'envoler dans le ciel et avoir alors une vue s'étendant sur plusieurs kilomètres

Nikolay Stefanov

C'est justement là aussi un autre des éléments du jeu sur lequel l'équipe de Massive se montre follement ambitieuse : peupler le monde de Pandora de personnages et animaux dont les comportements soient régis par une multitude de variables, des actions du joueur aux conditions météorologiques en passant par la faune présente aux alentours, tout cela afin de créer un univers aussi crédible et organique que possible.

Les SSD magiques au rendez-vous

Et puis, bien sûr, aucune discussion technique à propos d'un jeu de nouvelle génération ne serait complète sans mention des très fameux “SSD magiques” équipant les nouvelles consoles. Stefanov assure que ces derniers sont eux aussi l'une des clés permettant aux créateurs de Massive de voir se réaliser leur vision d'une Pandora ultra-immersive, grâce à une synergie étroite avec le Micro-Detail System. “Pouvoir charger et décharger très rapidement des données depuis et vers le SSD nous permet en particulier de montrer énormément de détails sur les objets lorsqu'ils sont vus de très près. Frontiers of Pandora est un jeu à la première personne, le joueur peut donc s'approcher de très près de certains objets, et il faut qu'on puisse lui montrer leurs détails les plus infimes. Mais il peut aussi monter sur son Ikran (créature volante du monde d'Avatar, NDLR), s'envoler dans le ciel et avoir alors une vue s'étendant sur plusieurs kilomètres. La puissance du matériel de nouvelle génération nous permet de passer en toute fluidité de l'un à l'autre.”

© Ubisoft


© Ubisoft


Il nous reste un peu de temps à patienter avant de savoir dans quelle mesure toutes ces ambitions seront concrétisées. Avec encore un an de développement au strict minimum devant lui, Avatar: Frontiers of Pandora est loin de l'étape de finalisation et d'optimisation. Ce n'est que quelque part dans le courant de l'année 2022 que nous pourrons goûter le fruit de ces alléchantes promesses. En espérant évidemment qu'aucun retard de développement ne vienne se placer en travers de cet objectif.

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